Plaintes du patient
« Ma voix est plus faible »
« On ne m’entend pas quand il y a du bruit »
« Ma femme / mon mari est sourd(e) »
« Je parle trop vite / je bégaie »
Sémiologie
La dysarthrie parkinsonienne est par définition (selon la classification de Darley) une dysarthrie hypokinétique.
Elle est souvent précoce (rarement isolée), marquée par des atteintes (réduction globale de l’amplitude) de toutes les caractéristiques de la parole (phonatoire, prosodique et articulatoire), et associée à un déficit de traitement de l’information proprioceptive destinée à calibrer les activités motrices (boucle sensori-motrice).
- Les troubles phonatoires (liés au souffle et au fonctionnement laryngé) sont très précoces et précèdent les troubles du rythme et de la fluence ainsi que les troubles articulatoires qui sont plus tardifs
- Moins l’atteinte globale est sévère, plus c’est la dysphonie neurologique qui prédomine, affectant le caractère naturel de la parole sans entraver l’intelligibilité.
- Plus la maladie progresse et plus les troubles de l’articulation et du débit augmentent, entravant l’intelligibilité.
- Le feedback auditif n’étant plus efficace, les patients ne se rendent pas compte de leurs troubles et ont l’impression de parler normalement alors qu’ils sont hypophones, ou de crier lorsqu’ils parlent normalement.
- L’énergie adéquate à la mise en place d’une intensité suffisante n’est plus fournie.
1. L’atteinte phonatoire
L’atteinte phonatoire est liée à un déficit du souffle phonatoire responsable d’un déficit de la pression sous glottique et d’un dysfonctionnement du larynx caractérisé par un défaut d’accolement des cordes vocales et un déficit de vibrations des cordes.
Les conséquences sont :
- une réduction de l’intensité vocale,
- des anomalies de la fréquence fondamentale moyenne,
- des altérations du timbre (voix soufflée, fréquemment éraillée, rauque, rarement tremblée, parfois serrage des bandes ventriculaires).
2. Les atteintes prosodiques
Elles sont responsables :
- d’une monotonie de l’intensité,
- d’une monotonie de la hauteur,
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liées à la rigidité laryngée et à la
sous-programmation |
- d’une réduction de l’accentuation,
- de troubles de l’organisation temporelle de la parole concernant le rythme et la fluence :
- ralentissement ou accélération du débit,
- pauses allongées, inappropriées ou surajoutées,
- accélérations intempestives avec dégradation concomitante de l’articulation,
- trouble de l’initiation motrice de la parole : faux départs (blocages silencieux en posture pré-phonatoire),
- palilalies (répétitions de phonèmes, syllabes, mots, rhèses).
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3. L’atteinte articulatoire
Elle provoque :
- une imprécision des consonnes,
- des phénomènes de spirantisation,
- une dédifférenciation des voyelles,
contribuant à une réduction globale des contrastes acoustiques.
Troubles associés
La dysarthrie dans les syndromes parkinsoniens
Les syndromes parkinsoniens ou « parkinson plus » sont plus rares. Il s’agit de la Paralysie Supranucléaire Progressive, des Atrophies Multisystématisées, de la Dégénérescence Cortico-Basale, de la démence à corps de Lewy.
Dans ces cas il s’agit d’une dysarthrie mixte (avec des signes pseudo-bulbaires, bulbaires, spastiques et cérébelleux).
En général elle est très précoce et rapidement sévère, évoluant parfois jusqu’au mutisme.
Evaluation de la dysarthrie
- Bilan précis :
- sévérité des troubles,
- auto-évaluation / ressenti du patient,
- examen de la motricité,
- score perceptif (intelligibilité, caractère naturel, prosodie, réalisation phonétique, qualité vocale),
- analyse perceptive,
- relevés instrumentaux objectifs,
- troubles associés,
- besoins communicationnels.
Rééducation
Au stade précoce de la MP, la dysarthrie est souvent présente mais lentement progressive et peut passer inaperçue.
La PEC doit débuter de façon précoce, bien avant qu’il y ait une perte d’intelligibilité, afin de mettre en place des compensations adaptées et de ralentir l’évolution inéluctable des troubles.
Principes généraux de rééducation
- PEC précoce, intensive (pour mettre en jeu la plasticité cérébrale), évolutive,
- entraînement spécifique et progressif,
- restaurer, compenser, adapter,
- LSVT® = protocole de référence,
Production volontaire de la parole.
Parler devient un acte hautement conscient et délibéré qui demande un effort.
Restaurer en partie ou pour un temps puis compenser et adapter.
Dans les syndromes parkinsoniens on favorisera une approche sémiologique avec des objectifs de compensation et d’adaptation plutôt que de restauration.
La LSVT® (Lee Silverman Voice Treatment)
Ce protocole thérapeutique, qui est actuellement une référence en matière de rééducation de la dysarthrie parkinsonienne (nombreuses études scientifiques réalisées respectant une méthodologie rigoureuse, recommandé par la HAS dans le guide du parcours de soins du patient parkinsonien édité en 2012) a été élaboré à la fin des années 1980 par Lorraine Ramig, orthophoniste aux Etats-Unis.
Principes d’apprentissage de la LSVT®
- Un entraînement systématique
- Nombreux exercices,
- répétitifs,
- ciblés,
- progressifs.
- Un entraînement spécifique
- Tâches axées sur des exercices de PAROLE (pas un travail moteur pur qui ne met pas en jeu le contrôle neurologique activé lors de la parole car cela prive le patient des informations sensitivo-sensorielles et des circuits de régulation de la parole mis en jeu lors de sa production).
- Un entraînement intensif
- 4 séances par semaine,
- travail à domicile (guidé) 2x par jour.
- Utilisation de feedback pour :
- la prise de conscience du trouble,
- objectiver et améliorer les performances grâce à la connaissance des résultats,
- maintenir la motivation.
- => Feedback visuels (gestes), auditifs (commentaires précis et démonstrations, consignes et explications simples), enregistrement audio et vidéo, logiciels, relevés instrumentaux (intensité) = bio-feedback.
NB : Attention au conditionnement (nuisible pour l’intégration sensori motrice à long terme).
- Mise en place d’une pratique linéaire et aléatoire
- Pratique linéaire ou constante : travail des aspects spécifiques, exercices ciblés (exercices identiques repris à chaque séance) niveau par niveau. Cette pratique permet un ancrage rapide mais elle est éloignée des situations de communication verbale.
- Pratique aléatoire : tâches variables (exercices divers) tous aspects confondus (pratique proche des vraies situations de parole mais l’ancrage est moins rapide).
- => Cette pratique permet un passage de l’apprentissage à l’automatisation.
Principes de la LSVT®
La phonation et la prosodie sont les éléments clef, le principe est de demander au patient de « parler FORT » et de l’aider à percevoir l’énergie à mettre en place pour y parvenir = calibrage.
- Une cible unique pour des améliorations multiples
Avec cette seule consigne on provoque une amélioration de la fonction laryngée (renforcement de la fermeture glottique, amélioration de la coordination pneumo-phonatoire), jouant un rôle inducteur pour les autres aspects de la parole : articulation, débit, résonance, amplitude articulatoire. L’expression du faciès et la déglutition se voient également améliorées.
Elle est stimulée grâce à l’intensivité de la PEC, au moyen de tâches gratifiantes et pertinentes pour le patient à qui on explique qu’il doit utiliser ces stratégies dans son quotidien sous peine de perdre ses capacités = « utilisez ou perdez ».
Les impacts vont être une modification de l’organisation motrice et une amélioration de la perception sensori-motrice (grâce au recalibrage des productions)
Un changement maximum pour un effort cognitif minimum
(= adapté aux troubles cognitifs).
Le protocole LSVT®
Il se déroule sur 4 semaines à raison de 4 séances d’une heure par semaine soit 16 séances au total.
Le patient travaille tous les jours deux fois par jour pendant la session, lors de la séance d’orthophonie et une fois à domicile pendant 10 à 15 min, ou deux fois à domicile les jours où il n’y a pas d’orthophonie.
NB : la session peut être allongée à 5 semaines chez les patients implantés.
Lors de chaque séance on réalise des « variables quotidiennes » qui se situent dans la pratique constante et travaillent l’intensité, les modulations de la hauteur et le passage dans la parole fonctionnelle en insistant sur le calibrage.
Le thérapeute s’attache à encourager au maximum les performances en évitant le forçage vocal.
On réalise ensuite des exercices « hiérarchiques » (pratique aléatoire), qui ont pour but de transférer les habiletés entraînées lors des variables quotidiennes dans des situations de parole fonctionnelle.
Les divers supports utilisés seront de plus en plus complexes : mots, locutions, phrases, lectures courtes puis longues, conversations courtes puis longues, en fonction de l’évolution du patient, de ses possibilités et de ses objectifs, mais également de ses goûts (personnalisation).
- Le travail à domicile consiste à reprendre les variables quotidiennes + un exercice hiérarchique. Ils sont précisément guidés avec des feuilles de suivi.
- A l’issue de la session l’entraînement se poursuit à domicile à raison de trois à cinq fois par semaine et l’on réalise une nouvelle session (plus courte) si les troubles se majorent à nouveau (quatre à huit séances en fonction de la rapidité du recalibrage sensoriel).
PEC aux stades plus évolués
Plus la maladie évolue plus les troubles cognitifs sont importants et l’état général du patient se dégrade. La LSVT® ne peut donc plus être appliquée.
Les techniques de rééducation alors utilisées relèvent davantage de l’approche traditionnelle (approche sémiologique des troubles : gestion du souffle, phonation, articulation, résonance et prosodie) avec si nécessaire la mise en place d’outils de communication alternative.
Approche globale du patient et de l’entourage
afin de maintenir les possibilités d’échanges.