Espace Professionnels de santé

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Principes de la rééducation fonctionnelle neurologique dans la maladie de Parkinson

Introduction

La maladie de Parkinson (MP) représente une source majeure de handicap fonctionnel dans notre société. Les signes cardinaux de cette pathologie sont le tremblement de repos, la rigidité, la bradykinésie et l’instabilité posturale. S’y associent le plus souvent une dysarthrie, une dysphagie, et des troubles cognitifs modérés (mild cognitive impairment, MCI). Les traitements dopaminergiques et chirurgicaux ne permettent pas de contrôler suffisamment les symptômes de la maladie après plusieurs années d’évolution et chez certains patients, ces traitements ont une action modérée sur les troubles posturaux, le défaut d’initiation, la festination et le freezing. D’autre part, des activités plus complexes, comme la conduite automobile, les tâches ménagères, l’activité professionnelle sont grevées par la maladie, malgré une correction des troubles moteurs par les traitements médicamenteux ou chirurgicaux. Il faut également souligner que la dysarthrie et la dysphagie caractéristiques de la MP ne répondent pas aux traitements dopaminergiques et peuvent être aggravées par le traitement neurochirurgical. La rééducation et la réadaptation fonctionnelle permettent d’agir en tant que traitement symptomatique des déficiences induites par cette pathologie, mais joueraient également un rôle neuroprotecteur. Le choix des méthodes utilisées doit être guidé par le stade d’évolution de la maladie.

Neuroplasticité [1]

La neuroplasticité correspond à la capacité du système nerveux à répondre au changement, en réponse à un stimulus, tout au long de la vie. Elle intervient dans les processus d’apprentissage et d’adaptation, et constitue la base des principes thérapeutiques de la kinésithérapie, l’ergothérapie et l’orthophonie. Sur le plan physiopathologique, la MP est caractérisée par une plasticité neuronale pathologique, avec la perte des cellules dopaminergiques de la substance noire, qui envoient normalement des projections dopaminergiques vers le striatum au niveau des ganglions de la base. Le striatum est impliqué dans le contrôle du mouvement, dans la mémoire du mouvement et l’inhibition d’informations motrices inutiles d’origine corticale. Depuis une dizaine d’années, on observe un essor dans les travaux de recherche sur les phénomènes de plasticité cérébrale dans la MP, en particulier grâce aux modèles animaux de cette pathologie. Il est en effet possible d’induire des symptômes parkinson-like chez des rats ou souris en leur administrant des drogues induisant une déplétion unilatérale (6-OHDA) ou bilatérale (MPTP) en dopamine. Les diverses expérimentations pratiquées mettent en évidence le rôle positif de la thérapie fondée sur le mouvement, avec non seulement un ralentissement de la perte de neurones dopaminergiques, mais également la production de facteurs de croissance ayant potentiellement un rôle neuroprotecteur. Ces données semblent être confirmées chez l’homme par des études employant des techniques d’imagerie cérébrale comme l’IRM fonctionnelle, le PET scan, et le SPECT scan, qui permettent d’objectiver une activation neuronale après l’introduction de drogues dopaminergiques, thérapie fondée sur le mouvement, ou rééducation orthophonique (technique LSVT). Enfin, l’adjonction de techniques de stimulation corticale telles la tDCS (transcranial direct current stimulation) ou la TMS (transcranial magnetic stimulation) aux traitements mentionnés ci-dessus constituerait une source supplémentaire de plasticité positive.

Échelles et questionnaires d’évaluation

Les échelles et questionnaires d’évaluation permettent au clinicien de suivre l’évolution de la maladie chez les patients parkinsoniens, et de proposer une prise en charge adaptée à chaque stade de la maladie. Des échelles spécifiques existent pour évaluer certains symptômes moteurs tels que les troubles de la marche ou la dysarthrie, les troubles cognitifs ou psycho-comportementaux … Les échelles mentionnées ci-dessous sont traduites et validées en langue française.

Évaluation de la qualité de vie

  • Échelle SF 36 [2] : il s’agit d’une échelle de qualité de vie non spécifique de la MP, qui contient 36 items couvrant 8 dimensions – limitation des activités physiques à cause des des problèmes de santé, limitation des activités sociales en rapport avec des problèmes physiques ou émotionnels, limitation dans les activités usuelles en raison de problèmes de santé physique, douleur physique, santé mentale en général, limitation dans les activités usuelles en rapport avec des problèmes émotionnels, vitalité (énergie et fatigue), perception globale de la santé.

Cette évaluation peut se dérouler sous forme d’un auto-questionnaire ou peut être appliquée par un examinateur.

  • Échelle PDQ 39 (Parkinson’s Disease Questionnaire) [3] : il s’agit d’une échelle spécifique de la MP comportant 39 items. Ce questionnaire permet de mesurer la qualité de vie sur le plan moteur et psychologique. 8 dimensions sont abordées : mobilité, activités de la vie quotidienne, bien-être affectif, gêne psychologique, soutien social, troubles cognitifs, communication, inconfort physique.

Il s’agit d’un auto-questionnaire, de passation rapide, qui prend en compte le patient dans sa globalité, sur le plan physique et mental.

Évaluation multidimensionnelle

  • Échelle UPDRS (Unified Parkinson’s Disease Rating Scale) [4] :

Il s’agit d’un outil de mesure permettant de quantifier la progression de la maladie et l’efficacité du traitement. L’UPDRS est composée de 6 sections pouvant être utilisées séparément :

    • section I : état mental, comportemental et thymique
    • section II : activités de la vie quotidiennes
    • section III : examen moteur (UPDRS moteur)
    • section IV : complications du traitement dans la semaine précédant l’examen (fluctuations motrices, dyskinésies, autres complications)
    • section V : stades de Hoehn et Yahr
    • section VI : échelle de la vie quotidienne de Schwab et England.

La section III, UPDRS moteur, permet de suivre l’évolution de la maladie, la réponse au traitement dopaminergique et à la rééducation fonctionnelle, en particulier en kinésithérapie. La passation est relativement rapide (5 à 10 minutes), selon l’état clinique du patient et l’entraînement de l’examinateur ( il existe des supports de formation édités par la MDS – Movement Disorder Society). Elle comporte 14 items cotés sur 5 points, de 0 (normal), à 4 (perturbation maximale). Cette évaluation peut avoir lieu en période « on » ou « off ». Elle étudie la motricité axiale et segmentaire.

  • Stades de Hoehn et Yahr [5] :
    • stade 1 : maladie unilatérale
    • stade 2 : maladie bilatérale sans trouble de l’équilibre
    • stade 3 : maladie bilatérale légère à modérée, certaine instabilité posturale, physiquement autonome.
    • stade 4 : handicap sévère, toujours capable de marcher ou de se tenir debout sans aide
    • stade 5 : malade en chaise roulante ou alité, n’est plus autonome.

Indications thérapeutiques

Stade 1 de Hoehn et Yahr : il n’est pas forcément nécessaire de débuter la rééducation fonctionnelle à ce stade, mais il est indispensable de débuter un suivi régulier par le neurologue et le médecin généraliste qui peuvent orienter le patient vers le médecin de médecine physique et de réadaptation au besoin.  Une consultation précoce en Médecine Physique et de Réadaptation permet une évaluation fonctionnelle du patient parkinsonien, de l’alerter sur les signes qui doivent l’amener à consulter les rééducateurs, de l’informer et de le rassurer sur l’évolution de sa pathologie, en lui précisant les différents moyens de compensation pouvant être mis en place. Un suivi de rééducation en libéral peut être proposé pour le traitement de symptômes tels que les douleurs localisées, la gêne respiratoire, la dysgraphie et la dysarthrie… Il est licite de proposer la mise en place d’activités physiques comme la marche, le yoga, le taï chi, la gymnastique douce… Stades 2 et 3 de Hoehn et Yahr : en complément des activités physiques mentionnées précédemment, il paraît logique de proposer une prise en charge de médecine physique et de réadaptation plus spécifique. En ce qui concerne les troubles moteurs, des exercices de renforcement musculaire, l’exercice aérobie à haute intensité, les stratégies attentionnelles, la signalisation sensorielle… sont indiqués. Les troubles de la parole et de la déglutition répondent particulièrement bien à la rééducation orthophonique selon la technique LSVT (Lee Silverman Voice Treatment) qui nécessite une formation spécifique de l’orthophoniste. Une évaluation par un ergothérapeute permet de mettre en place des stratégies de planification des journées, d’organisation du domicile. Il est important de détecter à ce stade l’éventuelle apparition de troubles cognitifs débutants. Des séjours courts mais intensifs de rééducation en milieu spécialisé, associant des séances de kinésithérapie, d’activités physiques adaptées, d’orthophonie et d’ergothérapie ont la faveur des thérapeutes, contrairement à une prise en charge hebdomadaire en libéral avec la mise en place d’auto-exercices à domicile, où l’on peut observer à la longue une lassitude du patient et de ses thérapeutes. Stades 4 et 5 : l’indication de séjours intensifs se discute au cas par cas. Il est indispensable de continuer des évaluations multidisciplinaires associant les différents acteurs de la rééducation, afin de poser les indications thérapeutiques les plus adaptées. Le suivi social est crucial, avec l’adaptation du domicile et la mise en place d’aides si nécessaire, avec la recherche de financements (Maison Départementale des Personnes Handicapées – MDPH – pour les sujets âgés de moins de 60 ans ou  Allocation Personnalisée d’Autonomie – APA – pour les personnes âgées de plus de 60 ans).

Troubles vésico-sphinctériens [6]

Les signes fonctionnels urinaires sont fréquents dans la MP et apparaissent au cours de l’évolution de la maladie. Ces signes fonctionnels sont principalement irritatifs (pollakiurie, impériosité, incontinence), avec une qualité de vidange conservée. Le bilan urodynamique (BUD) pratiqué par le médecin de MPR ou par l’urologue retrouve souvent une hyperactivité détrusorienne avec une compliance vésicale préservée. Le fonctionnement urétral est le plus souvent normal (parfois bradykinésie). Les lésions de dénervation sont rares et peu marquées. Au contraire, dans les syndromes parkinsoniens (atrophies multi systématisées, paralysie supra-nucléaire progressive, dégénérescence cortico-basale…), les signes fonctionnels urinaires apparaissent précocement (12 mois), dans un contexte de dysautonomie plus global, et associent une composante obstructive avec résidu post-mictionnel significatif chronique, une dyssynergie vésico-sphinctérienne, une hyper ou hypo-activité détrusorienne, avec des signes de dénervation à l’EMG. Le traitement des symptômes fonctionnels urinaires dans la MP et les syndromes parkinsoniens ne se conçoit qu’après la réalisation d’un BUD. Quels que soient les signes fonctionnels, il faut au préalable équilibrer au mieux le traitement anti-parkinsonien [7]. Si celui-ci est parfaitement adapté et que les signes persistent, le BUD s’impose. Les troubles irritatifs et l’hyperactivité détrusorienne répondent aux drogues parasympathicolytiques (oxybutinine, toltérodine, imipramine, solifénacine), à faible dose, en augmentant progressivement la posologie afin de réduire les effets anticholinergiques. La desmopressine peut permettre de lutter contre la pollakiurie nocturne, chez les sujets de moins de 65 ans. Des adaptations de l’environnement peuvent être proposées par l’ergothérapeute afin de lutter contre le risque de chute nocturne augmenté par les levers répétitifs en cas de pollakiurie nocturne.

Bibiliographie

1. Trail, Protas, Lai ;  (2008). Neuroplasticity : Implications for Parkinson’s Disease, Neurorehabilitation in Parkinson’s Disease. 2. Jenkinson C, Wright L, Coulter A ; (1993) . Quality of life measurement in healthcare. A review of measures and population norms for the UK SF-36. Oxford : Health Services Research Unit, Oxford University. 3. Jenkinson C, Fitzpatrick R, Peto V, Greenhall R, Hyman N. The Parkinson’s Disease Questionnaire (PDQ-39) : development and validation of a Parlinson’s disease summary index score. Age ageing. 1997;26(5):353-357. 4. The Unified Parkinson’s disease Rating Scale (UPDRS) : status and recommandations. Mov Disord 2003;18(7):738-750. 5. Hoehn MM, Yahr MD. Parkinsonism : onset, progression and mortality. Neurology. 1967;17(5):427-442. 6. Vassel Ph, Robain G, Pichon J, Chartier-Kastler E, Ruffion A. Troubles vésico-sphinctériens des syndromes parkinsoniens, Progrès en Urologie. 2007 ;17:393-398. 7. Winge K, Werdelin LM, Nielsen KK, Stimpel H. Effects of dopaninergic treatment on bladder function in Parkinsons’s disease. Neurourol Urodyn. 2004;23(7):689-696.